Un échec inévitable !
La notion de répartition des rôles entre le photographe et son boitier est rarement évoquée dans les formations sur la photo. Elle est pourtant essentielle, et elle me tient particulièrement à cœur.
Je me souviens d’une très ancienne émission de télévision qui s’appelait « la tête et les jambes », où deux personnes unissaient leurs forces, chacune dans leurs spécialités respectives, pour tenter de remporter une cagnotte.
Une personne, disons « l’intello », répondait aux questions de l’animateur et l’autre exécutait une performance sportive à chaque fois plus difficile que « la tête » était en échec.
Le binôme était donc équilibré : chacun concourait au résultat final selon ses compétences et c’est leur complémentarité qui leur permettait d’atteindre le but.
Les jeux paralympiques nous offrent également cette belle image de coureurs non-voyants accompagnés par leur coach, dans une totale confiance réciproque, chacun exploitant au mieux ses propres compétences.
Là encore, c’est leur complémentarité qui leur permet d’accomplir des exploits.
Il y aurait plein d’autres exemples à citer. En fait, on peut les résumer par ce dicton très connu : « l’union fait la force » !
Oui mais la répartition des rôles est bien davantahe qu’une simple addition de compétences.
Imaginons donc un instant que, par je ne sais quelle lubie, chacun veuille endosser le rôle de l’autre alors qu’il n’en n’a pas la compétence ?
Que croyez-vous qu’il arrivera ?
L’échec assurément !
La répartition des rôles
Eh bien, en photo, c’est pareil.
Il y a un but à atteindre : créer une belle image.
Pour cela, il y a deux intervenants :
- Vous, avec vos compétences et vos limites
- L’appareil avec ses compétences et ses limites
Pour atteindre votre but, chacun doit concourir au mieux de ses compétences.
Et c’est au photographe de répartir les rôles, c’est à dire de décider quelles compétences il lui délègue, et jusqu’à quel point.
Cette décision se prend en fonction du contexte de prise de vue et de l’intention artistique du photographe.
Plus c’est complexe, plus le photographe devra évidemment prendre la main.
Mais dans une grande majorité des cas il pourra faire confiance au boîtier.
Sachant que de toute façon, cette confiance ne vaut que tant que le boîtier donne les résultats qu’il escompte.
Et qu’il aura toujours la possibilité de les corriger si tel n’était pas le cas.
Des compétences complémentaires
J’ai parlé de compétences et de limites.
Votre appareil peut faire la mise au point beaucoup plus rapidement que vous par exemple. Mais il ne connaît pas votre sujet : il l’effectuera donc à sa façon, c’est à dire celle pour laquelle il aura été programmé, qui fonctionne généralement très bien.
Mais pas toujours : c’est à vous de lui indiquer ce sur quoi il doit porter son attention.
Il peut également, dans au moins 90% des cas, vous concocter une exposition parfaite. Si vous n’en êtes pas satisfaite, il vous suffit de la corriger avec le bouton de correction.
Mais il ne peut ni cadrer ni composer à votre place : ça, c’est une compétence que vous ne pouvez pas partager.
Il ne peut pas savoir non plus quelle est votre intention artistique, ni l’ambiance que vous souhaitez obtenir.
Comme il ne peut choisir ni la lumière ni l’éclairage à votre place.
Ces rôles ne peuvent lui être dévolus.
Alors plus vous déléguez, plus vous pouvez vous concentrer sur ce qui est l’essence même de votre travail : le triangle de création (voir l’article à ce sujet) et la mise en œuvre de votre intention artistique.
Développez d’abord vos compétences
Quoi ? Vous ne savez pas toujours ce que vous voulez photographier, ni comment ? Vous manquez d’inspiration, de créativité ? Vos photos ne vous satisfont pas ?
Raison de plus pour développer ces compétences, qui sont la base même de tout créateur d’images.
Plutôt que de passer des heures à étudier le mode Manuel d’exposition qui n’est utile que dans relativement peu de cas, et indispensable que dans des cas encore plus rares !
Ce faisant, croyez-en mon expérience, en vous concentrant sur vos rôles exclusifs, vos photos seront bien meilleures beaucoup plus rapidement.
Et vous laisserez passer moins de bonnes occasions de capter des sujets intéressants.
Vous en tirerez alors une plus grande satisfaction qui vous encouragera à continuer plus sûrement que si vous essayez de comprendre ce qu’est le cercle de confusion.
J’insiste.
L’apprentissage de la photo reste toujours trop centré sur la technique et pas assez sur le photographe, qui est pourtant au centre du processus (cf. l’article sur le triangle de création).
Ce qui conduit inévitablement à des échecs et des frustrations. Des photos techniquement correctes mais sans intérêt…
C'est rarement le boîtier qui est pris en défaut !
Faites l’expérience suivante par exemple : regardez plus longuement les photos prises au Smartphone dont vous n’êtes pas trop fiers.
Il est peu probable que l’exposition soit le problème mais bien les choix que vous avez fait en termes de :
- la mise en valeur de votre sujet, du cadrage, de la composition
- votre placement ou celui du sujet par rapport à la lumière et de l’éclairage choisi
- la part de vous-même que vous y avez investi ou l’émotion que vous avez voulu transmettre, sans y parvenir tout à fait.
C’est à dire de ce qui ressort exclusivement de vos compétences.
Alors je vous en prie, amis photographes, si vous voulez améliorer rapidement vos images, développez en priorité vos compétences et déléguez tout ce qui peut l’être à votre boîtier, laissez-le assumer son rôle.
Viendra alors le temps, croyez-moi, où vos progrès seront tels que votre ambition grandira, ce qui vous conduira naturellement à prendre davantage les choses en main.
Et plus vite vous aurez développé ce qui relève de vos compétences exclusives, plus vite ce temps viendra.
J’aborde plus en détail la notion de répartition des rôles dans ma formation « Dans la peau d’un photographe ».
Pour en savoir plus, cliquez sur le bouton ci-dessous :
Exercice
S’il y a bien un appareil à qui généralement on délègue toute la technique, c’est bien son Smartphone.
Alors sortez-le un jour où il y a du soleil visible, choisissez un sujet, qui doit être statique, et prenez-le plusieurs fois en photo en tournant autour (4 à 8 clichés), mais surtout sans effectuer aucun réglage.
Regardez vos photos en faisant attention juste aux deux points suivants :
- Observez le fond (ce qui se trouve derrière le sujet) : met-il suffisamment votre sujet en valeur ? (cf. l’article sur le choix du fond)
- Observez votre position par rapport à la lumière et les incidences en termes d’exposition du sujet d’abord, puis du fond, et de la relation lumineuse entre les deux.
Il est probable qu’une photo vous plaise davantage que les autres : sauriez-vous dire pourquoi ?
Bien entendu, une photo réussie ne se limite pas qu’à ces deux ingrédients !
Mais il faut bien commencer quelque part…
Alors recommencez cet exercice plusieurs fois : à force, vous trouverez ainsi d’instinct quelle sera la meilleure stratégie à adopter pour mettre votre sujet en valeur.
Et vous verrez : plus vous pratiquerez cet exercice, plus vos photos s’amélioreront rapidement.